La Cour de cassation a récemment eu l’occasion de rappeler quelques règles connues dans le cas où la responsabilité du dirigeant pour insuffisance d’actif est retenue, et qu’une sanction professionnelle est simultanément prononcée :

  • Premier rappel : la caractérisation d’une faute de gestion ne suffit pas à prononcer une interdiction de gérer, dont les cas sont limitativement énumérés par la loi(Cass. Com., 18 janvier 2023, n° 21-13.647)

La Cour de cassation a récemment rappelé à la rigueur les juges du fonds qui avaient condamné une dirigeante à supporter une partie de l’insuffisance d’actif d’une association et prononcé à son encontre une interdiction de gérer en raison de deux séries de fautes identiques : (i) « l’absence de suivi juridique » du débiteur, et (ii) la poursuite d’une activité déficitaire alors que l’état de cessation des paiements était caractérisé.

L’arrêt est censuré à deux égards : d’abord, les juges de cassation rappellent que « l’absence de suivi juridique » n’est pas un des cas limitativement énumérés par la loi pour prononcer une interdiction de gérer. Si ces circonstances peuvent donc caractériser une faute de gestion, elles ne peuvent donc pas justifier une sanction professionnelle. La solution est constante.

Ensuite, en ce qui concerne la seconde faute retenue, la Cour de cassation constate que les juges du fond n’ont pas caractérisé l’ensemble des éléments constitutifs visés à l’article L. 653-4, 4° du Code de commerce, qui vise le fait d’avoir « poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale », en omettant notamment de caractériser l’intérêt personnel du dirigeant.

En synthèse, si la seule « poursuite d’une activité déficitaire » peut constituer une faute de gestion propre à engager la responsabilité du dirigeant sur le fondement de la responsabilité pour insuffisance d’actif, elle ne suffira pas à justifier une interdiction de gérer faute de remplir l’ensemble des critères énoncés par la loi.

  • Second rappel : si le dirigeant poursuivi l’est sur la base d’une qualification de dirigeant de fait insuffisamment caractérisée, toute les sanctions -pécuniaires et professionnelles- pourront logiquement être censurées (Cass. Com, 19 avril 2023, n° 22-11.229)

Au cas particulier, les juges d’appel ont condamné le dirigeant de droit d’une société mère en cette qualité, mais également en sa qualité de dirigeant de fait de deux filiales auxquelles la procédure collective avait été étendue, considérant de manière commode que la direction de la société mère « s’étendait de fait » à celles de deux filiales.

L’arrêt ne précise pas sur la base de quels faits les juges sont entrés en voie de condamnation, cette dernière portant d’une part sur le paiement du passif aggloméré des trois entités, et d’autre part sur le prononcé d’une interdiction de gérer.

Les hauts magistrats relèvent que les juges du fond n’ont pas pris le soin de caractériser l’ensemble des critères juridiques de la direction de fait (l’exercice en toute indépendance d’une activité positive de direction) pour chacune des structures visées et censurent la décision.

Alors que le moyen accueilli par la Cour de cassation ne portait pas directement sur la mesure d’interdiction de gérer prononcée, et visait uniquement les dispositions de l’article L. 651-2 du Code de commerce, la Cour prend le soin de préciser que la cassation de l’arrêt de condamnation sur un moyen relatif à l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif emporte cassation du chef de l’arrêt relatif à la mesure d’interdiction de gérer « les mêmes faits étant retenus à l’appui ».